Paris (ats afp) – Alors que l’Europe et l’Amérique du Nord subissent ou se préparent à affronter une nouvelle vague de chaleur étouffante et des incendies potentiellement incontrôlables, les experts tirent la sonnette d’alarme. Le stress thermique que ces événements pourrait occasionner met en danger les organismes.
Ce phénomène tue plus de personnes que les ouragans, les inondations ou tout autre événement climatique extrême. Un organisme public espagnol a ainsi attribué 1000 décès à la canicule de juillet, tandis que dans le centre de Tokyo, 56 personnes sont probablement décédées à la suite de la chaleur subie en juin et juillet. Des chiffres sans doute sous-estimés.
Mais qu’est-ce que le stress thermique exactement et comment le mesure-t-on ?
Le stress thermique survient lorsque l’organisme ne parvient plus à refroidir le corps, provoquant des symptômes allant des vertiges et des maux de tête jusqu’à la défaillance d’un organe et à la mort.
Il est provoqué par une exposition prolongée à la chaleur et à d’autres facteurs environnementaux qui, cumulés, empêchent le corps de réguler sa température.
« La chaleur est un tueur silencieux, car les symptômes ne sont pas si évidents. Et lorsqu’il y a des troubles de santé sous-jacents, les conséquences peuvent être très graves, voire catastrophiques », affirme Alejandro Saez Reale, de l’Organisation météorologique mondiale (OMM).
Les nourrissons, les personnes âgées, les personnes ayant des problèmes de santé, les travailleurs en extérieur sont particulièrement vulnérables.
L’OMM estime que la chaleur tue environ un demi-million de personnes par an, mais précise que le véritable bilan pourrait être 30 fois plus élevé qu’estimé. Un phénomène appelé à s’amplifier sous l’effet du changement climatique, qui rend les vagues de chaleur plus fréquentes, plus longues et plus intenses.
La température de l’air est la donnée météorologique la plus utilisée et la plus facile à comprendre, mais ces « maxima » au-delà de 35 ou 40°C qui s’affichent en Une des journaux nous disent peu de choses sur la chaleur véritablement encaissée par le corps humain.
A température égale, la sensation de chaleur est bien plus supportable sous 35°C dans l’air sec du désert que dans l’atmosphère humide et étouffante de la jungle, où la sueur s’évapore mal.
Pour évaluer l’impact réel de la chaleur sur les organismes, les scientifiques prennent en compte, outre la température, une série de facteurs comme l’humidité, la vitesse du vent, les vêtements, l’ensoleillement direct, et même la présence de béton ou de verdure dans l’environnement.
Plusieurs méthodes existent pour mesurer le stress thermique et tenter de résumer tous ces facteurs en seul chiffre ou graphique.
L’une des plus anciennes est la température dite du thermomètre mouillé. Elle permet de réaliser la dangerosité d’une température de l’air pouvant sembler modérée mais qui, combinée à l’humidité, peut devenir insupportable, voire mortelle.
Une personne en bonne santé ne pourrait pas survivre à une exposition prolongée (de six heures) à 35°C avec un taux d’humidité extrême de 100%, ont estimé des scientifiques en 2023. L’air est saturé et la sueur ne peut plus s’évaporer, le corps surchauffe, jusqu’au décès.
Le service climatique de l’observatoire européen Copernicus utilise l’Indice universel du climat thermique (UTCI, en anglais), qui tient compte de la température et de l’humidité, mais aussi du vent, de l’ensoleillement et du rayonnement thermique, et classe les niveaux de stress thermique de modéré à extrême.
Le stress thermique extrême, selon cet indice, correspond à une « température ressentie » de 46°C ou plus, à partir de laquelle il est nécessaire de prendre des mesures pour refroidir l’organisme.
L’indice de chaleur (heat index), utilisé par le service météorologique des États-Unis, fournit une « température ressentie » fondée sur la chaleur et l’humidité à l’ombre, ainsi qu’un graphique coloré, allant du jaune (« prudence ») jusqu’au rouge (« danger ») et rouge vif (« danger extrême »).
Leurs homologues canadiens ont mis au point l’indice Humidex, qui établit une valeur de « température ressentie » dans un tableau croisant la chaleur dans l’air et l’humidité, associé à quatre couleurs pour autant de degrés d’inconfort. Avec aussi sa déclinaison pour évaluer les dangers du froid extrême.
D’autres indices de « stress thermique » existent comme le « Tropical Summer Index », le « Predicted Heat Strain » (contrainte thermique prévisible) ou la température moyenne radiante.
Mais chacun a ses limites.
« La façon d’aborder la question n’est pas la même partout dans le monde », explique John Nairn, expert en canicule à l’OMM.
L’UTCI, par exemple, est excellent pour évaluer le stress thermique en Allemagne, où il a été initialement développé, mais « une mesure très médiocre » dans les pays du Sud où « il sature et sur-mesure beaucoup trop » pour des populations déjà plus habituées à la chaleur, explique-t-il.
Ces indices ne prennent pas non plus en compte l’impact de la chaleur hors santé, ajoute-t-il, une vague de chaleur pouvant bloquer les trains ou surcharger les climatiseurs, ce qui est aussi dangereux.